Après quelques jours en Lettonie, je commence mon petit tour d’Estonie par Tartu, dans l’est du pays.
Tartu est la deuxième ville d’Estonie par sa population après Tallinn. Si Tallinn est la capitale politique et économique, Tartu est la capitale intellectuelle et culturelle. La première université du pays y a été créée en 1632 et la ville a joué un rôle important dans l’émergence de la langue et de la nation estonienne au 19ème siècle.
Logiquement, le tout nouveau musée national estonien s’est installé ici en 2016 (sur l’emplacement d’une ancienne base aérienne soviétique) et je l’ai visité dimanche.
Le musée est ultra moderne. Tous les panneaux d’information sont des écrans dont on peut changer la langue par un simple contact du billet d’entrée, dans lequel la langue du visiteur a été programmée.
Le parcours n’est pas chronologique mais thématique aborde tous les aspects de la vie quotidienne, la langue, l’éducation, la nourriture, la religion, les traditions populaires.
Si le bâtiment est moderne, le musée date de 1888. Un important travail de collecte a commencé alors pour alimenter les réserves. Ainsi l’exposition montre aussi bien des costumes traditionnels que le premier blue-jean importé qu’une étudiante des années 1980 avait payé une fortune. Tous les objets contemporains sont ainsi commentés par son propriétaire quand il l’a légué au musée.
Bien sûr l’histoire récente est mise en avant. Pour les estoniens, la période soviétique, pendant laquelle l’Estonie faisait partie de l’URSS, est clairement appelée « occupation » et sa fin est la « libération ». La première partie de l’exposition raconte cette période charnière qui commence à la fin des années 1980.
A côté de l’exposition principale, un espace est consacré aux peuples de langues finno-ougriennes, dont la langue estonienne. Elle est proche du finlandais (la Finlande est à moins de 100 km de l’autre côté du golfe de Finlande) mais aussi du hongrois et de toute une famille de langues parlées dans le grand nord scandinave (le same) et dans un vaste espace autour de l’Oural. On ne sait pas très bien expliquer cette proximité linguistique, si ce n’est que les ancêtre des habitants des actuelles Estonie, Finlande et Hongrie devaient être originaires d’outre-Oural.
Tout cela est passionnant, mais à mon avis un peu artificiel : à part la langue, il y a bien peu de points communs entre un estonien moderne et, par exemple, un nenets ou un khanty des rives de l’Ob, plusieurs centaines de kilomètres à l’est de l’Oural.
Le musée national estonien était néanmoins passionnant.
Je me suis essayé à la langue estonienne grâce aux écrans interactifs, mais c’est peine perdue.
Je reviendrai plus tard sur l’histoire de l’Estonie, car celle de Tartu est déjà bien compliquée.
Les traces écrites les plus anciennes sont des chroniques de la Rus’ de Kiev qui mentionnent vers 1030 un établissement disputé par les tribus estoniennes locales.
Au début du 13ème siècle, les chevaliers porte-glaives arrivent dans la région. Ils créent la à cette époque malgré la résistance des Russes, qui assiègent ou détruisent la ville plusieurs fois. Les Allemands germanisent le nom local de Tartu en Dorpat. Outre les chevaliers, des marchands allemands s’y installent et la ville adhère à la ligue hanséatique. Jusqu’au 20ème siècles les élites économiques, politiques et culturelles de Dorpat seront germano-baltes.
Aux 16ème et 17ème siècle, Dorpat est disputée entre la Pologne et la Suède. Les traités la donne officiellement à la Pologne (en fait l’union Pologne-Lituanie) en 1582 puis à la Suède en 1629, mais avant cela la ville avait changé plusieurs fois de mains. Le roi Gustave Adolphe de Suède fonde une université à Dorpat, la deuxième des pays baltes, en 1632. Le but du roi est de développer des élites suédoises pour affermir son contrôle sur la région.
En 1704, la ville est prise par la Russie. L’acquisition confirmée par le traité de Nystad en 1721 qui met fin à la grande guerre du nord et marque l’emprise définitive de l’empire russe sur l’Estonie et la Livonie (et la Carélie) jusqu’en 1918.
A cette date la ville fait partie de la nouvelle République d’Estonie et reprend son nom estonien : Tartu.
Lundi matin je suis allé à la découverte du centre ville.
La ville basse est concentrée autour de son hôtel de ville, qui date des années 1780.
La ville est surplombée de la colline de Toome, occupée principalement par l’université.
Aujourd’hui, c’est un grand parc arboré dans lequel sont éparpillés les bâtiments les plus anciens de l’université suédoise, comme le théâtre anatomique.
Une nouvelle université sera fondée pendant la période tsariste. Aujourd’hui, Tartu est la grande ville universitaire de l’Estonie, et un septième de ses habitants sont des étudiants.
Au Moyen-âge, la colline de Toome était le siège de l’évêque, qui exerçait le pouvoir séculier sur la région. Il ne reste rien de son château, et sa cathédrale n’est que ruines.
La cathédrale a été gravement endommagée par des iconoclastes protestants en 1525 (la réforme venait juste d’arriver dans la région) et elle a été laissée à l’abandon depuis.
La partie moderne de Tartu est faite de grandes avenues, de centres commerciaux et de grandes tours, dont la Snail Tower, qui date de 2008.
Tartu était ma première étape en Estonie et je ne regrette pas de m’y être arrêté.
Mon étape suivante est vers le nord et la frontière russe : Narva.