Après la Pologne, la Finlande et la Suède, je continue ma découverte des riverains de la mer Baltique avec un petit séjour à Riga, capitale de la Lettonie. Je prendrais ensuite la route du nord vers l’Estonie.
On verra la Lituanie et le sud de la Lettonie plus tard.
Petit historique de Riga
Riga a été fondée en 1201 par Albert de Buxhoeveden, près de Brême, évêque de Livonie (la province autour de Riga) et fondateur de l’ordre des chevaliers porte-glaives. C’était un ordre de moines-soldats allemands qui s’était donné pour mission de convertir les païens des rives de la Baltique. Comme les chevaliers teutoniques dont j’avais croisé la trace en Pologne. D’ailleurs le chevaliers porte-glaives seront intégrés aux teutoniques en 1237.
La ville va rapidement se peupler de colons allemands, ou germano-baltes, dont des marchands de la Hanse. Elle restera jusqu’au 20ème siècle une ville principalement germanophone, y compris dans son administration, malgré les aléas historiques qui verront la ville passer sous domination polonaise en 1561, suédoise en 1621 et enfin russe en 17101.
Sous les tsars, Riga devient la troisième ville de Russie après Moscou et Saint-Petersbourg. A partir de cette époque de plus en plus de Russes s’installent à Riga.
La Lettonie acquiert son indépendance une première fois en 1919 après la disparition des empires russes et allemands suite à la première guerre mondiale et Riga en devient la capitale. C’est la ville la plus importante du nouveau pays mais aussi celle dont la population est la moins lettone !
En 1945, la Lettonie est absorbée par l’URSS et les germano-baltes sont partis. Au moment de la seconde indépendance, en 1991 après la disparition de l’URSS, la population est quasiment moitié lettone et moitié russe.
Même si bon nombres de Russes sont partis depuis (le nouvel état letton restreint leur citoyenneté) il reste à Riga une importante minorité russophone.
Elle est visible sous la forme de restaurants ou de librairies, ou la langue du journal lu sur un banc public ou dans le bus. La plupart des menus de restaurants ou panneaux d’informations sont traduits en russe, mais difficile de savoir si c’est pour satisfaire la population russophone ou les touristes russes.
Ce rapide résumé permet de comprendre le patrimoine de Riga, dont le centre historique est classé au patrimoine de l’UNESCO.
Le patrimoine historique de Riga
Les monuments les plus anciens sont allemands, à commencer par la maison des têtes noires.
C’était une sorte de foyer pour marchands célibataires, et aujourd’hui le siège de l’office de tourisme.
Le premier sapin de Noël aurait été installé devant la maison, d’après une trace écrite de 1510. Le petit monument en métal à droite de la photo indique l’endroit.
Les églises les plus anciennes sont également d’origine allemande. Les plus importantes sont Saint-Pierre et la cathédrale Notre-Dame.
Ce sont d’énormes vaisseaux en brique comme on peut en trouver tout autour de la Baltique, en Allemagne (par exemple à Wismar) ou en Pologne.
L’intérieur de la cathédrale est très sobre, comme il convient à une église luthérienne. Le décor Saint-Pierre est plus élaboré, mais il n’était pas possible de déambuler dans la nef pour cause de travaux. Par contre on peut monter dans le clocher, avec une belle vue sur Riga.
Les liens historiques et culturels avec l’Allemagne du nord se sont raffermis après l’indépendance de 1991, comme le prouve la présence des Bremer Stadtmusikanten.
Ce sont les mascottes de Brême, où j’en avais vu plusieurs interprétations. Une statue de Roland, l’autre figure tutélaire de Brême, est également dressée devant la maison des têtes noires.
Les suédois ont considérablement renforcé les défenses de Riga au 17ème siècle. Il n’en reste que quelques portions de rempart, une porte et surtout la tour poudrière.
Celle-ci abrite le musée letton de la guerre, que j’ai visité vendredi. Sans surprise, une large part est consacrée à la guerre d’indépendance, du 5 décembre 1918 (après l’armistice, donc) au 11 août 1920. Ce conflit, méconnu en occident, a opposé quatre factions : des Russes bolcheviques, des Russes blancs (même après la chute du tsar), des corps francs allemands (même après la défaite allemande), et bien sûr des Lettons, aidés de contingents estonien, lituanien et polonais et des flottes anglaise et française. La première guerre mondiale ne s’est pas arrêtée partout le 11 novembre.
L’indépendance de la Lettonie, proclamée le 18 novembre 1918, a finalement été confirmée à l’issue de cette guerre.
Le musée évoque aussi le rôle des soldats lettons à travers les âges et notamment les deux guerres mondiales. Signe des temps et point commun avec quasiment tous les musées militaires que j’ai visités : les dernières salles sont consacrées au contingents lettons dans les interventions multinationales des années 2000 et suivantes, en Irak, Afghanistan ou en Afrique.
Avant le musée de la guerre j’avais visité le musée national d’histoire de la Lettonie qui va de la préhistoire à aujourd’hui, avec une partie ethnographique.
L’exposition temporaire commémore les 100 ans de la première indépendance, mais toutes les périodes sont traitées, notamment la période soviétique, pendant laquelle la Lettonie n’était qu’une des républiques socialistes de l’URSS.
Tout cela est un peu compliqué, mais comme il pleuvait dehors j’ai eu le temps d’approfondir.
Les deux cents ans de la période russe (1710-1919) n’ont laissés que quelques traces visibles, principalement des églises orthodoxes. La plus importante, et la plus proche du centre historique, et celle de la nativité du Christ.
Les icônes, les dorures, les chandelles : je m’y retrouve. J’ai déjà visité plusieurs églises orthodoxes : en Grèce, en Bulgarie, en Roumanie, y compris des églises orthodoxes russes : en Finlande, en Bulgarie et même à Nice. Il faudra bien que j’aille voir en Russie un jour.
L’Art Nouveau à Riga
A la fin de la période russe, Riga a connu un accroissement considérable de sa population, passant de 100 000 habitants en 1867 à 470 000 en 1914. C’est à cette époque aussi que les fortifications ont été abattues, libérant de vastes surfaces à bâtir. Ces deux phénomènes ont entraîné d’important besoins de construction dans les années 1900. Et quel était le style en vogue à cette époque : l’Art Nouveau.
Avec plus de 300 immeubles de style Art Nouveau, Riga est la ville qui en possède la plus forte concentration dans le Monde. Il y en a aussi bien dans la vielle ville que dans les nouveaux quartiers. Je ne les ai évidemment pas tous vus, mais je me suis rendu dans l’Alberta Iale (la rue Albert, l’évêque fondateur, vous vous souvenez ?), la rue qui concentre les édifices les plus réputés.
C’était vendredi matin, sous le soleil (et avant les averses) et la promenade fut fort agréable. C’est dans cette rue également que se trouve le petit musée sur l’Art Nouveau, situé dans l’appartement que s’était aménagé un des architectes de l’époque2.
Outre l’appartement avec ses meubles et sa décoration d’époque, le musée présente un vrai catalogue des édifices Art Nouveau dans Riga. J’aurais aimé y trouver des liens vers d’autres villes, comme Nancy, Vienne ou Bruxelles voire Barcelone, mais on ne peut pas tout avoir.
J’aime beaucoup ce style, et pendant le reste des mes pérégrinations dans Riga, j’avais constamment le nez en l’air pour repérer les ornements qui le caractérisent. Le plus pittoresque est certainement ce chat noir.
Outre les visages à l’antique ou les motifs floraux, la décoration des façades Art Nouveau de Riga font souvent appels à des motifs locaux, ou scandinaves. C’est que quasiment tous les architectes ayant exercé à Riga étaient lettons. L’Art Nouveau de Riga est donc un style en soi. Les spécialistes ont même identifié quatre catégories, mais ça me dépasse un peu.
Riga au vingtième siècle
Le marché central a été construit dans les années 1920. Son architecture n’est pas Art Nouveau, mais, autre temps, il comporte des éléments Art Déco.
Les bâtiments les plus remarquables sont bien sûr ses cinq pavillons (le cinquième est en dehors du cadre). Ce sont des anciens hangars à Zeppelin de l’armée allemande pendant la première guerre mondiale. Ils n’avaient pas été construits à Riga à l’origine (les Allemands n’ont conquis Riga qu’à la fin de 1917), mais à Vaiņode en Courlande, dans le sud-ouest du pays. Ils ont été démontés et déplacés à Riga après la guerre quand le jeune état letton a décidé de les ré-employer pour édifier un important marché dans la capitale.
Chaque pavillon est spécialisé dans un type de marchandise : fruits, viandes, poissons. Les rayons de poisson séchés ou fumés sont particulièrement impressionnants.
L’offre est complétée par des milliers d’étals autour des pavillons. J’y suis passé le samedi matin et c’était noir de monde. Je n’ai jamais vu autant de cerises que ce matin là, à 2€ le kilo seulement. Par contre j’ai eu un mal fou à trouver des pommes.
La Lettonie a fait partie pendant 45 ans de l’URSS. Mais, comme dans tous les pays « ex de l’Est et passés à l’Ouest » la plupart des symboles communistes ont été effacés. On ne voit plus d’étoiles rouges, de marteaux et de faucilles, ou de statues de Lénine dans les rues. Mais le plus imposant des souvenirs de cette époque ne peut pas être effacé aussi facilement.
Le bâtiment de l’Académie des Sciences de Lettonie a été construit entre 1951 et 1961. Il est très similaire aux gratte-ciels staliniens de Moscou (j’en ai vu quelques uns en 2012) ou au Palais de la Culture de Varsovie.
Comme à Varsovie, ce « cadeau » de Moscou a été financé par des « donations volontaires » des lettons. C’est pourquoi il a été baptisé « Gâteau d’anniversaire de Staline ». Aujourd’hui son principal avantage est d’offrir un beau point de vue sur Riga et ses environs.
Riga est une très jolie petite ville qui mérite le voyage. J’y ai passé deux jours, ce qui suffit amplement pour la découvrir.
Comme toujours, d’autres photos sont visibles ici ou là.
1. J’avais déjà eu un aperçu de cette rivalité russo-suédoise l’année dernière en Suède.
2. c’est un point commun avec le musée de Bruxelles