Vigo est la plus grande ville de Galice avec presque 300 000 habitants.
Installé sur la rive sud de la ria de Vigo, son port est le plus important port de pêche d’Europe.
Vigo est une grande ville industrielle et ne dispose pas d’un grand patrimoine historique.
Mais il y a quand même une aimable petite forteresse, transformée en jardin public, perchée sur la colline qui domine la ville.
Ce fort est appelé « Castelo do Castro de Vigo ». Le castro est un village ancien, habité entre les 2ème siècle avant et le 3ème après JC. A l’époque, il devait occuper toute la colline, mais seule une petite partie a été mise au jour et peut être visitée. Je parlerai plus en détails des castros de Galice dans un autre article.
Pour l’anecdote j’ai failli ne pas pouvoir visiter le castro de Vigo. Au bout de près d’une semaine en Espagne, j’avais fini par adopter le rythme espagnol, où les sites sont ouverts jusque 20, voire 21 heures et où on mange tard. Non seulement je ne savais pas que le castro de Vigo fermait à 19h seulement, n’ayant pas pris la peine de me renseigner, en plus j’avais pris mon temps : petite sieste à l’hôtel après être arrivé de Saint-Jacques en milieu d’après midi et petite pause à la terrasse d’un café.
Résultat je suis arrivé à 18h50 alors que l’employé commençait déjà à fermer la grille. Pas de drame, le site n’est pas bien grand et j’ai eu 5 minutes de rab.
A quelques kilomètres du centre ville de Vigo, un sympathique musée maritime me tendait les bras.
Les salles les plus intéressantes sont celles consacrées à la pêche en Galice. Le musée possède aussi une très belle collection de jouets sur le thème de la mer. Un aquarium complète la visite, présentant la faune locale, sauf le poulpe. Petite déception.
Mais la pièce la plus surprenante est cet improbable sous-marin.
Ce prototype est l’oeuvre de Antonio Sanjurjo Badia, inventif industriel natif de La Corogne et installé à Vigo
En 1898, l’Espagne est en guerre contre les Etats-Unis qui attaquent les possessions espagnoles en Amérique (Cuba et Porto-Rico) et dans le Pacifique (Philippines et Guam).
Au cas où l’US Navy viendrait attaquer le port de Vigo, Badia conçoit et fait tester cette… chose.
Les trois hommes d’équipage (ils devaient être bien serrés) devaient actionner l’hélice, au bout du bras gauche, grâce à des manivelles pour propulser l’engin vers un navire ennemi et déposer une mine, portée par le bras droit, puis s’éloigner et la faire détonner à distance 1.
Il semblerait que le test aurait été concluant, je demande à voir. Toujours est-il que le test avait eu lieu le jour ou le traité de paix a été signé, et on en resté là. Et c’est probablement mieux ainsi.
Cela n’a pas changé le cours de la guerre de 1898, qui a été désastreuse pour l’Espagne. Elle a du reconnaître l’indépendance de Cuba et céder Porto-Rico, Guam et les Philippines aux Etats-Unis.
Affaiblie, l’Espagne revend l’année suivante ses dernières possessions dans le Pacifique, les îles Caroline et Mariannes, à l’Allemagne.
C’est la fin de l’empire colonial espagnol.
1. Dans le principe, cela ressemble beaucoup au sous-marin Turtle mis en oeuvre en 1776 dans le port de New-York par les Américains pendant leur guerre d’indépendance.
Selon la légende, l’apôtre Jacques a évangélisé l’Espagne. Il est ensuite rentré en Palestine où il est mort, puis son corps a été ramené en Espagne, sur un bateau dont l’équipage était des anges, mais sa sépulture a été perdue. Vers 814, une miraculeuse pluie d’étoiles, ou était-ce un champ d’étoiles (campo stellae), désigne la tombe à un ermite. L’évêque du coin reconnaît les reliques de Saint-Jacques et fonde un sanctuaire, autour duquel se développera la ville de Saint-Jacques-de-Compostelle
A l’époque, toute la péninsule ibérique, sauf les Asturies, est sous domination musulmane. Alphonse II, roi des Asturies, met l’Espagne sous la protection de Saint-Jacques, ou Santiago, et en fera, sous le nom de Matamore (le tueur de maures) le patron la reconquista 1.
Saint-Jacques est très important dans tout le monde hispanique. On retrouve des Santiago partout dans l’Amérique espagnole, par exemple Santiago du Chili. Les indigènes se mettront d’ailleurs souvent sous la protection de Saint-Jacques, avec les Espagnols dans le rôle de l’envahisseur. Amusant retournement de situation.
Très vite les pèlerins affluent vers Saint-Jacques-de-Compostelle, qui deviendra la destination de pèlerinage la plus importante du monde chrétien après Rome et Jérusalem.
La ville
La vieille ville est centrée sur la cathédrale, bien évidemment consacrée à Saint-Jacques.
Le sanctuaire originel a été progressivement agrandi et transformé au long des siècles jusqu’à la cathédrale actuelle de style baroque du 18ème siècle.
Apparemment les transformations continuent car la cathédrale est en grand chantier.
Concrètement, on ne peut rien y voir, sauf le reliquaire de Saint-Jacques que l’on peut même toucher, mais pas photographier, après une longue queue.
Le coeur historique de Saint-Jacques-de-Compostelle est très agréable à visiter. Sous le soleil, le granit local prend une belle couleur gris/beige clair. Sous la pluie, ce serait peut-être moins joli, mais heureusement je ne sait pas : il a fait beau tout le temps.
Le pèlerinage
Un des musées de la ville est consacré aux pèlerinages.
Le musée évoque la notion de pèlerinage qui existe dans quasiment toutes les cultures, mais bien sûr une grande part est consacrée à la figure de Saint-Jacques, à la ville de Saint-Jacques-de-Compostelle et à son pèlerinage.
Car que serait la ville sans ses pèlerins ? A peine arrivé, on en voit partout. Je n’ai jamais vu autant de randonneurs dans un centre-ville. Car, le pèlerin d’aujourd’hui est d’abord un randonneur, ou un cycliste, qui s’équipe d’articles de sport modernes et colorés, souvent d’une grande marque française au logo bleu et blanc. Mais il arbore la coquille Saint-Jacques et ses motivations sont spirituelles.
A toute heure de la journée, on voit des pèlerins affluer sur la Praza do Obradoiro, entre la cathédrale et le Pazo de Raxoi 2.
Ils arrivent individuellement ou en groupe, ils sont en pleine forme ou fourbus, parfois avec des pansements. Mais qu’ils viennent de près ou de loin, qu’ils aient fait le chemin sur plusieurs années ou d’une seule traite, tous sont visiblement heureux d’être là. Ils s’assoient par terre, échangeant leurs émotions avec leurs compagnons de marche ou d’autres pèlerins rencontrés sur le chemin. Quelques uns ont abandonné leurs chaussures de marche sur la place. Je suppose qu’ils ont prévu de rentrer en train.
Une très grande majorité des pèlerins que j’ai vus viennent d’Espagne ou du Portugal. J’ai repéré un groupe de Russes, pas mal d’Italiens, quelques Anglais, Allemands et Chinois, mais pas de Français.
Je suis resté un bon moment sur la place vendredi soir et samedi matin pour observer les arrivées des pèlerins, dans une ambiance joyeuse et très sympathique. Moi qui suis venu depuis mon hôtel, soit au moins 300 mètres en zigzagant dans les ruelles, je suis admiratif devant tous ces gens qui ont fait chemin à pied, quelles que soit leurs motivations.
C’était un moment fort du voyage.
Les chemins
La vieille ville de Saint-Jacques-de-Compostelle et les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle sont inscrits séparément sur la liste du patrimoine de l’UNESCO.
On pourrait dire que tous les chemins mènent à Saint-Jacques-de-Compostelle, mais la tradition et l’histoire ont tracé des routes officielles.
Le chemin le plus important est le Camino Francés, le chemin des Français qui traverse tout le nord de l’Espagne depuis les cols de Roncevaux ou de Saint-Jean-Pied-de-Port, et passe par Ponferrada. Tous les chemins qui viennent d’Espagne se raccordent au Camino Francès.
Un chemin vient du Portugal, via Porto et Tui, où je passerai ma dernière nuit.
Le Camino Anglés est le plus court : il part de La Corogne, où les pèlerins anglais arrivent en bateau.
En France, quatre routes traditionnelles partent d’Arles, Le Puy, Vézelay et Paris, lequel passe devant ma porte à Massy. Les chemins de Compostelle font partie du réseau des chemins de Grandes Randonnées (GR).
Quelque soit l’endroit d’où vous partez en Italie, en Allemagne ou de n’importe où, il y aura un chemin qui arrivera à Saint-Jacques-de-Compostelle en passant par le Camino Francés.
Une partie des pèlerins poursuivent leur marche jusqu’au cap Finisterre, où j’étais hier.
Quand on a marché des milliers de kilomètres, je suppose qu’on n’est plus à 80 près.
Dans le temps, peut-être que les pèlerins voulaient voir l’océan avant de rentrer chez eux. Ou peut-être qu’il fallait aller au bout du continent pour être vraiment au bout du voyage ?
Sur les rochers, au bout du bout du chemin, les marcheurs laissent un souvenir : chaussure, objet, message.
Pour beaucoup, le cap Finisterre le point le plus à l’ouest du continent. Ce n’est pas juste : le Cabo de la Nave (d’où a été prise la photo ci-dessus) est un poil plus à l’ouest. Et en Irlande les péninsules du Kerry ou de Dingle, où je suis allé en 2002, sont bien plus à l’ouest encore.
La coquille
Saint-Jacques était pêcheur, mais je ne sais pas s’il pêchait la coquille qui porte son nom. En tout cas elle est tellement abondante sur les côtes de la Galice qu’elle est devenue le symbole de la ville et des pèlerins. Le motif de la coquille Saint-Jacques est omniprésent dans la ville, que ce soit en sculpture sur les bâtiments ou en bijou dans les boutiques, mais pas forcément dans les assiettes.
Dans la langue française on utilise le même mot pour le Saint, la ville ou le mollusque. Donc j’étais conditionné à manger des coquilles Saint-Jacques à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Zamburiñas
Mais en espagnol c’est plus subtil. Ils emploient deux mots : vieira et zamburiña. Un moment j’ai cru que c’était la même différence qu’entre coquille Saint-Jacques et pétoncle. Puis j’ai déduit de la lecture des cartes des restaurants que la vieira se vend à l’unité alors que les zamburiñas sont servies par assiette.
En gastronomie, c’est compliqué mais normalement en zoologie c’est carré : chaque espèce a un nom différent. C’est que toutes ces bébêtes appartiennent à la vaste famille des Péctinidés, et la réglementation autorise l’emploi du terme générique « Saint-Jacques » pour tous les membres de la famille. Normalement, le nom latin est précisé chez le marchand, mais dans les faits je crois qu’au restaurant c’est pétoncle pour tout le monde.
Peu importe, mes zamburiñas étaient bonnes. Pour suivre j’ai pris un riz au lait 3, et c’était très bien comme ça.
1. la Reconquista, ou l’expulsion des princes musulmans, sera achevée avec la chute de Grenade en 1492. 2. l’hôtel de ville et le siège du gouvernement régional 3. je considère qu’un voyage en Espagne n’est pas complet sans arroz con leche. Au Portugal, c’est la pastéi de nata qui s’impose.
La Galice possède 1300 km de côtes. Enfin, c’est une estimation car mesurer la longueur d’un trait de côte est un exercice délicat. Si on entre dans toutes les rias et criques, et dans la théorie des fractales, on peut atteindre des chiffres insoupçonnés.
En quelques jours, je n’ai parcouru qu’une fraction de la côte, principalement le long de la Costa da Morte (la côte de la mort), entre La Corogne et la Ria de Pontevedra.
Ce nom sinistre vient du nombre important de bateaux naufragés sur les rochers. Car la côte est très découpée, et par endroit la montage tombe directement dans la mer. La côte est essentiellement rocheuse, mais il y a aussi de nombreuses plages de tailles variées. L’éventail va de la toute petite crique entre les rochers à la grande bande de sable comme ici à Carnota.
La route ne longe la côte que là où celle-ci n’est pas trop escarpée. Il n’y a pas de corniche comme sur la côte amalfitaine. Le meilleur moyen de parcourir la côte est donc la marche à pied. Le chemin des phares, qui suit la plus belle partie de la Costa do Morte, est une randonnée de 200 km qui se fait en 8 jours.
Cela n’entrait pas dans mon planning, mais en cherchant les petites routes, on peut tomber sur des petits coins isolés, comme le village d’Arou.
Hélas l’itinéraire fait de toutes petites routes qui aurait pu me permettre d’approcher au plus près de la côte en voiture, et qui est mentionné dans le Routard, était fermé. Je ne sais pas si c’était en raison de travaux, de danger ou d’un afflux de touristes motorisés et/ou fainéants.
La côte est dangereuse pour la navigation et elle parsemée de petits phares qui apportent un certain charme au paysage.
J’ai ainsi passé à eu près deux journées à cheminer plus ou moins près de la côte, d’une crique à un phare ou d’un point de vue à un village.
Dans ces villages de pêcheurs, il y a toujours un petit restaurant pour faire une pause méritée, comme par exemple à Camarinas.
Sardiñas a Camarinas
Ces sardines ont été grillées dans la rue sous mes yeux. Simple et bon, mais reprenons la route.
Parfois la route passe par une forêt.
Je l’ai déjà dit, cette région est beaucoup plus verte que d’autres en Espagne, et il y a même des forêts. La bonne surprise est dans les essences qu’on y trouve. Par exemple je ne m’attendais pas à traverser une forêt d’eucalyptus. Alors le mieux est de ralentir, d’ouvrir les fenêtres et de profiter des bonnes odeurs. C’est mieux qu’un petit arbre en carton suspendu au rétroviseur !
Dès le premier village après La Corogne et dans tous les villages de la région, j’ai été frappé par l’omniprésence des greniers traditionnels.
Celui-ci est bien plus grand que la moyenne. En général ils n’ont que six piliers.
Ces greniers à grain sont appelés hórreos en galicien. Cette tradition architecturale persiste depuis le Moyen-Âge. Elle est typique de la Galice, et un peu de l’ouest des Asturies paraît-il. Construits en pierre, ils servaient à stocker les céréales (le mil puis le maïs à partir du 18ème siècle) à l’abri des intempéries et des rongeurs. On en trouve dans chaque village, parfois dans le jardin de chaque maison. Je suppose qu’autrefois chaque famille avait le sien, et que sa taille était le témoin de la prospérité de la maison. Dans certains villages, le hórreo est collectif et peut atteindre 35 mètres de long. Il pouvait aussi servir à stocker la dîme payée en nature à l’évêque, et il était alors dressé près de l’église du village.
Tous les hórreos ont le même plan rectangulaire et portent une croix sur un des pignons (plus rarement les deux). Mais ils sont tous différents, par les dimensions, la décoration, ou l’état. Parfois à l’abandon, souvent parfaitement restaurés, ils ont aujourd’hui essentiellement un rôle décoratif. Il me semble que certains ont été reconvertis en pigeonniers ou cabanes au fond du jardin.
Un décret de l’Etat espagnol protège les hórreos depuis 1973, et ils font clairement partie de l’identité de la Galice. Les boutiques de souvenirs vendent moult gadgets à leur effigie et même les abribus de campagne ont la forme d’un hórreo !
La montagne n’est jamais loin, et les panneaux routiers de couleur mauve/rose (celle des informations touristiques) indiquent souvent une route vers le sommet d’une montagne et un beau un point de vue.
Au sommet d’une de ces montagnes, j’ai eu la surprise de tomber sur un élevage de chevaux magnifiques. Ils sont tranquilles et ont vue sur mer des deux côtés.
Autre surprise, ce dauphin aperçu dans le petit port de Fisterra.
Il avait un comportement bizarre, et il s’est quasiment échoué sur la plage au milieu des estivants. Un des baigneurs a fini par le remorquer par la queue vers le large, où il a disparu en quelques secondes. L’histoire finit bien, mais surtout c’est la première fois que je voyais un dauphin dans la nature !
Fisterra est le dernier village avant le Cabo Fisterra, ou Cap Finisterre. J’en parlerai depuis Saint-Jacques-de-Compostelle.
Deux jours, c’est bien court pour explorer toute la côte, mais suffisant pour saisir la beauté des paysages. Il faisait très beau et pas trop chaud grâce à un agréable vent du large.
La Corogne, A Coruña en espagnol, n’est pas très loin de Ferrol. Depuis l’embouchure de la ria de Ferrol je pouvais deviner la ville et distinguer son phare. Mais par la route il faut contourner trois rias, et ça prend quasiment une heure de route.
La ville
Avec près de 250 000 habitants, La Corogne est aujourd’hui la deuxième ville de Galice, après Vigo où je passerai plus tard. Elle était autrefois la capitale de la Galice, mais elle a perdu ce titre au profit de Saint-Jacques-de-Compostelle en 1981.
Son centre historique est situé sur une péninsule bordée d’un côté d’une longue plage de sable et du port de l’autre côté. Une longue et agréable promenade, le paseo maritimo, fait tout le tour de la péninsule.
La ville a connu une importante prospérité économique au 19ème siècle. C’est de cette époque que date ce courant architectural qui couvre les façades de galeries vitrées caractéristiques de la région (j’en avais vu à Lugo aussi).
La tour d’Hercule
Mais l’attraction historique la plus spectaculaire de La Corogne est la Tour d’Hercule.
Ce n’est le lieu d’aucun exploit du demi-dieu grec, mais rien de moins que le seul phare romain encore en activité.
Bon, l’office de tourisme exagère un peu. Certes le phare a bien été construit par les Romains à la fin du 1er siècle ap JC. A cette époque, les Romains avaient ainsi marqué symboliquement leur emprise sur la région riche en or (on en a déjà parlé) mais aussi en étain, métal indispensable à la fabrication du bronze.
Le phare a guidé les navigateurs pendant plusieurs siècles, mais il a été abandonné au 5ème siècle. Il a servi pendant un temps de tour de guet. Le phare a été complètement restauré en 1791, et fonctionne à nouveau comme phare depuis cette date.
Il n’empêche que le monument est exceptionnel et a bien mérité son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2009.
Le phare romain mesurait environ 42 mètres de haut, ce qui correspond à la partie carrée. Une rampe extérieure en spirale 1 en faisait le tour et permettait d’alimenter aisément la lanterne en combustible.
La restauration moderne a porté la hauteur à 55 mètres, mais a fait disparaître la rampe. Toutefois on en devine le tracé sur les parois de la tour.
La visite commence par les fondations de la tour qui ont été mises au jour lors de fouilles archéologiques dans les années 1990. Puis on emprunte un escalier de 216 marches pour arriver à la plateforme. On passe par des grandes salles qui sont d’origine. Les Romains étaient malins : la tour était creuse avec juste ce qu’il faut de structure interne pour en garantir la solidité toute en réduisant le coût de construction.
D’en haut, bien sûr la vue est splendide, même si le temps était très couvert au moment où j’y étais.
Les nations celtiques
La tour est plantée au bord de la mer au milieu d’un promontoire couvert de genêts et de bruyères et battu par les vents.
Une grande rose des vents est tracée au bord la mer.
Chaque direction est dédiée à une nation celtique et son symbole :
la Cornouailles et un symbole que je n’ai pas bien identifié
la Bretagne et son hermine
et enfin la Galice et sa coquille Saint-Jacques.
Le dernier huitième de la rose des vents porte le nom « Sisrat » et un symbole composé d’un crane et d’un tibia. Ça fait penser à des pirates mais j’avoue ne pas avoir trouvé à quoi cela se rapporte. Le premier résultat de la recherche du mot sur Google est la page Wikipedia en espagnol Naciones celtas mais le mot « Sisrat » en est absent. Etrange. Si quelqu’un a une explication, ça m’intéresse…
Les Galiciens semblent donc vouloir se rattacher aux six autres nations celtiques.
Historiquement, la civilisation celte s’est épanouie entre la fin de l’âge du bronze et l’âge de fer, soit à peu près de -1000 à -500. Géographiquement, son noyau est situé entre l’Autriche (site de Hallstatt) et la Suisse (site de La Tène), mais les Celtes se sont répandus dans une grande partie de l’Europe entre Atlantique et Anatolie.
Les peuples celtes installés le plus à l’ouest du continent sont ceux qui ont été romanisés et/ou germanisés le plus tard, et qui ont le plus conservé leurs langues d’origine celtique.
Or la notion moderne de nation celtique s’appuie sur la langue. Les linguistes distinguent six langues celtiques principales, en deux familles :
les langues gaéliques : irlandais, écossais et manxois (de l’Île de Man)
les langues brittoniques: breton, gallois et cornique (de Cornouailles)
Officiellement, le manxois et le cornique sont éteints, mais sont néanmoins enseignés et conservent une importante littérature.
Et le galicien dans tout ça ?
La langue galicienne n’est pas du tout une langue celtique. Elle est au contraire très proche du castillan. Dans la plupart des musées les textes sont en galicien et en castillan, et honnêtement les différences sont très faibles. La plus visible que j’ai remarquée est la lettre « X » qui remplace le « J ». Je trouve que le castillan ressemble plus au galicien qu’au catalan, par exemple.
Donc la Galice n’est pas celtique au sens linguistique. Mais on trouve sans peine des points communs avec, par exemple, la Bretagne : la pierre, la végétation, le climat. L’instrument de musique traditionnel de la Galice est la gaita qui est une cornemuse.
La Galice était d’ailleurs l’invitée d’honneur du Festival Interceltique de Lorient cette année.
Je pense que cette volonté galicienne de se rapprocher des nations celtiques est aussi un moyen de se démarquer du reste de l’Espagne 3.
Après quelques jours passés en Galice, il n’y a aucun doute : je suis bien en Espagne (langue, nourriture, mode de vie), mais le paysage ressemble plus à l’Irlande qu’à l’Andalousie.
Le poulpe
Restons en Galice avec le plat du soir.
Pulpo con gulas
Quand je suis en voyage et que je cherche un restaurant, j’essaie de choisir un restaurant qui a à sa carte un plat que les autres n’ont pas.
C’était le cas du restaurant O Tanagra où le nom « Pulpo con gulas » a attiré mon attention.
En passant, je constate que le traducteur de Google est très mauvais avec les plats ou les ingrédients. En cherchant un peu je devine que « gulas » signifie « civelles », les alevins d’anguilles dont j’ai souvent entendu parlé mais jamais goûté. Banco, j’ai trouvé mon restaurant.
Ce n’est que plusieurs jours après que j’ai essayé d’en savoir plus et que j’ai compris que la bonne traduction pour « civelles » est « angulas ». Gulas est en fait le nom commercial d’un succédané de civelles, sorte de surimi à base de colin. Je suis un peu déçu, mais en même temps, la vraie civelle est très rare et très chère, ce qui n’était pas le cas de mon plat.
Et il était bon quand même, tout est dans la sauce.
———————————————— 1. Comme au minaret/clocher de la cathédrale de de Séville. 2. Motif héraldique représentant trois jambes reliées par les cuisses. Curieusement c’est aussi le symbole de la Sicile. 3. j’ai cru percevoir une phénomène similaire en Estonie, qui souhaite être perçu non pas comme un pays balte, mais comme un pays nordique, dont fait partie la Finlande. Quoique dans ce cas le rapprochement est d’abord linguistique car les langues finlandaises et estoniennes sont très proches. cf Tartu
Le port de Ferrol est niché au fond d’une profonde ria.
Une ria est un estuaire, en général la vallée ennoyée d’un fleuve côtier, et typique des côtes de Galice. L’équivalent en Bretagne est appelé « aber ».
Il ne faut pas confondre une ria avec un fjord, qui est le résultat du creusement de la côte par un glacier, qui est profond et dont les rives sont hautes et verticales.
Les ria font en général des bons ports car elles sont à l’abri des tempêtes. Et comme l’entrée de la ria de Ferrol est particulièrement étroite, son accès est très facile à défendre contre une attaque ennemie.
C’est pourquoi Ferrol est un port de guerre depuis le Moyen-Âge. Mais l’essor du port date du 18ème siècle sous l’impulsion de la dynastie des Bourbons d’Espagne, et en particulier du premier d’entre eux : Philippe V 1. Ce dernier a réorganisé la marine de guerre espagnole autour de trois bases principales : sur la Méditerranée, Carthagène et sur l’Atlantique, Cadix au sud et Ferrol au nord.
Le plan du centre-ville date de cette époque, avec un quadrillage de rues à angles droits typique des villes nouvelles en général et des villes militaires en particulier, comme Rochefort en France ou Karlskrona en Suède.
Aujourd’hui, la base de Ferrol n’est pas la plus importante pour la marine de guerre espagnole par le nombre ou la taille des bateaux qui y sont basés (les plus gros sont à Cadix), mais c’est son principal chantier naval. Ses principaux bâtiments, dont les porte-aéronefs, ont été construits à Ferrol.
Comme à Karlskrona ou à Toulon, l’arsenal est en pleine ville mais derrière de longs murs, et on n’en voit pas grand-chose. Heureusement, un parc, indiqué dans Le Routard, offre un point de vue sur les grues et les bateaux.
C’est un peu juste pour justifier une étape mais, comme Karlskrona ou Toulon, Ferrol possède un beau musée naval.
Il complète celui de Madrid (visité en 2011), comme le musée de Toulon complète celui de Paris.
La marine de guerre espagnole, ses traditions et ses opération sont bien sur mises en valeur, y compris en Amérique Latine ou aux Philippines, aspects moins connus.
Dans la première salle, un grand panneau narre l’expédition de l’Invincible Armada. Sa conclusion est que la dite expédition n’a pas été vaincue par la marine anglaise, mais par les tempêtes. Qui en doutait ?
Comme toute base navale qui se respecte, Ferrol est aussi une forteresse terrestre. En effet une flotte au port est vulnérable par la terre et il faut empêcher une armée ennemie d’approcher impunément. Comme on l’a vu, le site de Ferrol est particulièrement favorable du fait de l’étroitesse de la ria, mais aussi du relief alentour. Les Anglais ont tenté un débarquement en force en 1800 et s’y sont cassés les dents.
De nombreux vestiges des fortifications de Ferrol sont encore visibles. Il y en a de plusieurs époques, y compris des batteries de défense côtière du 20ème siècle, mais le plus spectaculaire est le Castelo de San Felipe.
Il a été construit en même temps que l’arsenal voulu par Philippe V, d’où son nom. C’est l’époque de l’apogée de la fortification bastionnée, ce qu’en France on appelle « à la Vauban ».
Son emplacement au point le plus étroit de la ria garantit que les éventuels navires ennemis ne puissent échapper aux boulets de ses dizaines de canons. Pour plus de sécurité, ses feux se croisaient avec ceux du Castelo da Palma, plus récent, situé sur l’autre rive juste en face.
J’ai déjà visité un grand nombre de sites fortifiés de ce type, mais peu sont aussi complets que celui-ci. On peut aller quasiment partout, et en plus l’accès est gratuit. Ça valait vraiment le coup de faire étape à Ferrol
500 mètres séparent les deux forts à vol d’oiseau, ou en bateau, mais par la route j’ai dû mettre plus de 30 minutes pour passer de l’un à l’autre.
D’autres vestiges militaires sont visibles jusqu’à la mer, mais sont moins impressionnants.
Le soir à Ferrol, j’ai dû apprendre à composer avec le mode de vie espagnol d’une petite ville très peu touristique. Après tout, qui vient dans une ville arsenal où il n’y a qu’un musée naval et des fortifications ?
Beaucoup de terrasses, où les locaux grignotent en buvant (à moins qu’ils boivent en grignotant), mais peu de vrais restaurants. Par contre, à la différence de la Finlande, il est très facile de trouver à manger après 21h. J’ai quand même fini par trouver un établissement où j’ai pu commander le plat galicien par excellence : le polbo á feira .
Polbo á feira
Le poulpe est abondant sur les côte de Galice et on en trouve partout. Le polbo á feira est un plat dégusté traditionnellement pendant les foires ou ferias. On dit pulpo a la gallega dans le reste de l’Espagne et poulpe à la galicienne.
Les tronçons de tentacules sont simplement saupoudrés de piment et disposés sur des patates (cachelos), et c’est très bon. Malgré le bain d’huile d’olive.
Lugo est la première ville galicienne sur mon parcours. Elle est le chef-lieu d’une des quatre provinces qui composent la Galice (Lugo, A Coruña, Pontevedra et Ourense).
Lugo était une capitale régionale à l’époque romaine et par la suite est restée un peu à l’écart des vicissitudes de l’histoire, ce qui lui a permis de conserver ses extraordinaires remparts romains, classés au patrimoine de l’UNESCO.
Le centre-ville est entièrement entouré par cette muraille romaine dotée de 62 tours imposantes (je les ai comptées). Par endroits, les tours sont plus larges que l’espace qui sépare deux tours. Le rempart est entièrement praticable, véritable boulevard périphérique piéton à hauteur du 3ème étage des immeubles voisins.
La muraille n’est pas le seul souvenir des Romain de Lugo, mais c’est le seul directement visible. Les sous-sols de la ville recèlent de nombreux vestiges romains, fondations ou mosaïques. L’important musée provincial en expose les plus intéressants.
Le musée présente également de nombreux objets en or trouvés dans la région. Ils datent d’avant les Romains et nous rappellent que le nord-ouest de l’Espagne possédait de nombreux gisements d’or (et pas seulement Las Médulas). Ces gisements ne sont pas étrangers à l’intérêt porté par les Romains pour cette région. Mais bon, les Romains seraient venus quand même : ils ont conquis toute l’Europe occidentale après tout.
Aujourd’hui Lugo est une agréable petite ville, idéale pour une étape.
Ponferrada, dans la province de León, en Espagne, est à une trentaine de kilomètres de Las Médulas.
C’est surtout la dernière grande ville sur le Camino Francés avant Saint-Jacques-de-Compostelle. Au Moyen Âge, la route traversait la rivière Sil sur un unique pont qui était renforcé de fer. C’est là l’origine du nom de la ville : pons ferrada. 1
En 1178, le roi Ferdinand II de León octroie une concession aux chevaliers templiers pour construire une forteresse à Ponferrada. En échange, les Templiers devront assurer la protection du pont et des pèlerins.
Les Templiers ne profiteront pas longtemps de Ponferrada puisque l’ordre sera dissous en 1312.
Le château impressionne d’abord par sa porte d’entrée.
La cour intérieure est également très vaste, et il est doté d’une double enceinte.
On voit bien que le château a été construit par cette grande institution, quasiment un état, qu’était l’Ordre du Temple. Ce n’est pas le château d’un petit seigneur de province.
La visite met largement l’accent sur la présence des Templiers, jouant sur leur réputation, même s’ils ne sont pas restés si longtemps à Ponferrada. J’ai appris à cette occasion que les Templiers possédaient plusieurs châteaux en Espagne et au Portugal, dont certains, je le note pour des prochains voyages, ont de beaux restes.
Bien sûr, les Templiers considéraient que leur activité principale était en Orient, mais il ne faut pas oublier qu’en ce temps là les infidèles étaient aussi présents dans la péninsule ibérique. Finalement, les Templiers ont contrôlé plus de forteresses en Espagne et Portugal qu’en Orient 2. Dans le reste de l’Europe, dont la France, les Templiers possédaient de nombreuses commanderies, dont le rôle n’était pas militaire, mais administratif et économique.
Aujourd’hui, le château de Ponferrada abrite une importante bibliothèque consacrée aux Templiers et au Moyen Âge et expose des fac-similés d’ouvrages médiévaux.
Hélas, les parties les plus anciennes du château ne sont en ce moment pas visibles pour cause de restauración.
Ponferrada n’est pas loin de la frontière de la Galice. Ça tombe bien, c’est là que je vais.
————————————————– 1. Il faudra attendre 1779 pour voir le premier pont en fer d’Europe, à Ironbridge (ou pons ferrada en latin), en Angleterre. J’y suis passé en juillet 2009. 2. Où l’Ordre du Temple n’était pas seul : l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (futur Ordre de Malte) et l’Ordre de Sainte-Marie des Teutoniques y étaient également puissants.
Las Médulas était une mine d’or exploitée par les Romains entre les 1er et 3ème siècle ap JC. Les terres alluviales de la région contenaient des pépites d’or qui étaient déjà exploitées par ses habitants. Mais après la conquête romaine, dans les années 20 av JC, le processus a été singulièrement industrialisé, au point de changer le paysage, et de faire classer le site au Patrimoine de l’UNESCO en 1997.
La technique employée était appelée « ruina montium ». Dans le principe elle est simple : des galeries sont creusées profondément dans la montage puis elles sont remplies d’eau. La pression de l’eau effondre la montage et il ne reste plus qu’à chercher les pépites dans les gravas.
On voit bien sur cette photo la montagne avant et après le ruina montium. Seuls les Romains pouvaient inventer un truc pareil il y a 2000 ans.
Cette méthode était rendue possible par la nature des terrains et la disponibilité d’énormes quantité d’eau dans les montagnes des environs. Mais encore fallait-il organiser le chantier et acheminer toute cette eau. Pour cela on peut faire confiance à l’ingénierie romaine.
J’ose à peine imaginer les milliers d’esclaves mobilisés sur le chantier, pour creuser les galerie, construire les aqueducs ou filtrer l’or.
Pline l’Ancien a été administrateur des mines et a indiqué dans ses mémoires qu’on extrayait à Las Médulas 20 000 livres d’or par an. En extrapolant ces chiffres par rapport aux 250 ans d’exploitation, il semblerait que 1635 tonnes d’or ont été extraites au total de Las Médulas. C’est beaucoup moins que les mines modernes 1, mais tout de même remarquable pour l’époque.
Des recherches modernes par lidar aéroporté2 ont permis de détecter des traces de plus de 300 kilomètres de canaux creusés dans les montagnes pour acheminer l’eau. Des portions de tels canaux sont visibles au bord des chemins.
Le site de Las Médulas est énorme. Un circuit pédestre de 14 km en fait le tour et des dizaines d’autres sentiers sont balisés vers des vestiges éparpillés dans la montagne.
Une galerie souterraine est accessible, et le casque fourni n’est pas inutile tant le plafond est bas par endroit.
En quelques heures il est impossible de tout voir, mais je suis quand même content d’avoir pu aborder ce site. Il fait partie de ceux que j’avais découvert il y a longtemps et que j’étais curieux de voir en vrai.
Las Médulas est dans la province de León, à quelques kilomètres de la Galice où j’arriverai, enfin, demain.
———————————————————— 1. Les plus productives produisent dans les 80 tonnes par an. 2. Le lidar est un procédé de télémétrie basé sur un rayon laser, comparable au radar qui utilise des ondes radios.
Quand il est porté par un aéronef, il est capable de détecter sur de grandes surfaces d’infimes variations de terrain indiscernables depuis le sol, même sous le couvert de la végétation. Cette technologie est rapidement devenue indispensable à l’archéologie.
Bragance est la principale ville de l’extrême nord est du Portugal. Ce qui m’a attiré ici est son splendide château.
C’est une petite ville entièrement ceinte de murailles et d’une surface de trois hectares. Elle possède une dizaine de tours et trois portes, dont deux sont juste assez larges pour laisser passer les voitures. La ville est toujours habitée.
Sur un côté de l’enceinte se trouve le château proprement dit.
Son imposant donjon carré écrase de sa masse le château, mais les quatre tours massives qui font partie de l’enceinte du château ne sont pas moins impressionnantes.
Le château et ses deux enceintes forment un remarquable ensemble cohérent qui semble comme neuf. L’état actuel du château est celui du début du 16ème siècle. Mais le château a subit d’importants dommages pendant la Guerre de Restauration (1640-1688) et la Guerre Fantastique (1762-1763, une branche de la Guerre de Sept Ans).
Le château a été classé monument historique en 1910 et a été restauré à partir de cette date.
Le donjon un petit musée militaire.
Un autre monument attire l’attention, à côté de l’église : la domus municipalis.
Ce bâtiment pentagonal aux faux air de bastion date probablement du début du 13ème siècle. Il s’agit d’une citerne, dans la partie basse, à laquelle a été ajoutée un salle percée de dizaines de petites fenêtres. Elle servait de lieu de réunion pour ce qu’on appellerait aujourd’hui le conseil municipal. Le nom « domus municipalis » est toutefois une invention du 19ème siècle. Dans les documents anciens, on parle de Sala da Água (la salle d’eau).
La ville de Bragance offre peut d’intérêt à part son château qui lui mérite le détour. C’était aussi une étape commode sur mon périple qui entrera demain en Espagne.
Cette étape a aussi confirmé mes lacunes dans l’histoire du Portugal. Autant la Guerre de Restauration, j’imagine de quoi il s’agit, mais La Guerre Fantastique ? Jamais entendu parler.
Le nom de Porto est indissociable du vin de Porto. Ce vin est très apprécié en Angleterre, et on peut dire qu’il a été façonné par et pour les Anglais.
Le rôle des marchands anglais est en effet crucial dans l’histoire du vin de Porto (et de Bordeaux aussi d’ailleurs, mais c’est une autre histoire). Tout commence avec Colbert, ministre de Louis XIV, qui interdit le commerce avec le royaume de Grande Bretagne. En rétorsion, celui-ci interdit, déjà, l’importation de vins français. Or les Anglais étaient amateurs de vins et, n’en produisant pas eux mêmes, ils en ont cherché ailleurs. Il y avait déjà des négociants anglais dans le nord du Portugal, mais le vin qui y était produit alors ne convenait pas aux palais anglais. Ils ont donc fait évoluer les terroirs, les cépages et les méthodes de vinification, pour en faire le Porto (ou Port) puis l’exporter avec grand succès en Angleterre et dans le monde.
Les vignes sont cultivées dans les montagnes de l’arrière pays, sur les rives du Douro. Puis le vin est apporté à Gaia, la ville qui fait face à Porto de l’autre côté du fleuve, où il sera vieilli en fût ou en bouteille. Autrefois le vin était transporté par bateaux, dont de nombreuses reproductions sont amarrées les long des quais, ça fait partie du décor.
Le climat de la montagne est idéal pour la vigne. Le vin qui y est produit est appelé Vinho verde et ne deviendra Porto qu’après son passage à Gaia où les climat est idéal pour le vieillissement.
On ne m’empêchera pas penser que le nom « Porto » pour le vin est donc une double imposture : on devrait dire vin du Douro ou de Gaia. C’est peut-être pour cela que les Anglais disent « Port » finalement.
La grande majorité des maisons de Porto sont d’origine anglaise : Offley, Churchill, Graham, Croft, Taylor, … et toutes sont installées le long du Douro à Gaia.
J’ai visité les caves de Taylor, réputées les plus spectaculaires dans les guides.
La maison Taylor a été fondée en 1692 (en plein règne de Louis XIV, comme par hasard), et c’est une des plus anciennes et des plus prestigieuses. Je suppose qu’elles disent toutes un peu la même chose mais Taylor est fournisseur officiel de la Reine d’Angleterre, tout de même.
La visite est individuelle, avec un audioguide, et traverse une partie des chais de vieillissement et où flotte une odeur qui n’est pas désagréable. C’est le résultat de l’évaporation des éléments les plus volatiles pendant le vieillissement, ou la part des anges. On y apprend l’histoire de la compagnie, les procédés de fabrication et les différentes sortes de vins de Porto. La visite se termine par la boutique et une dégustation des deux sortes de Porto : un blanc sec (2 à 5 ans d’âge) et un LBV, pour Late Bottled Vintage (rouge, 4 à 6 ans d’âge).
C’est très parfumé, mais à boire à petites doses. Le blanc sec est conseillé avant le repas et le LBV après.
Au passage on peut en déguster d’autres, beaucoup plus vieux et beaucoup plus chers, jusqu’à 46€ le verre, mais il ne faut pas abuser.
Après avoir visité les caves le samedi, j’ai pris la voiture le dimanche et, chemin faisant vers l’est du pays, j’ai traversé une partie des vignobles.
La région autour de Pinhão, appelée Cima Corgo, est le coeur de la région viticole. Les raisins cultivés ici sont considérés les meilleurs et sont utilisés par les plus grandes maisons, dont Taylor.
Les routes y sont sinueuses à souhait, avec de temps en temps un point de vue sur le fleuve. Je n’était pas le seul à profiter du moindre espace de stationnement au bord de la route pour jouir du paysage. Il y avait de nombreuses voitures immatriculées en France : j’ai croisé des 21, 31, 56, 82, 69, 91 ou 94. Ça fait quand même une sacrée distance pour eux !
J’ai vu aussi plusieurs bateaux, dont trois de croisière fluviale, mais de trop loin pour en identifier la compagnie.
Je suis très satisfait de cette découverte oenologique en deux temps : les caves hier et le vignoble aujourd’hui. Ce parcours m’a fait faire un détour sur la route de Guimarães à Bragance, mais sous ce beau soleil ça valait le coup.