Aujourd’hui encore, le ciel était tout blanc ce matin, mais le beau bleu dont j’ai l’habitude sera de retour vers midi.
La première visite du jour sera fort logiquement Olavinlinna, puisque j’ai dormi quasiment à ses pieds. Mais comme le château n’ouvre qu’à 11h, j’ai eu le temps de chercher un nouveau point de vue.

Le château a été construit à partir de 1475 par les Suédois pour protéger la frontière du royaume contre la Russie. Il est situé sur une petite île à la limite de deux lacs. Les eaux qui cernent le château sont animées de forts courants, ce qui fait qu’ici elles ne gèlent jamais, et donc que les assaillants éventuels ne peuvent pas attaquer le château à pied sec.
Le château a changé plusieurs fois de mains pendant son histoire. Quand les Russes l’acquièrent définitivement, en 1743, ils lui ajoutent des bastions d’artillerie et un dernier étage en briques sur les grandes tours.
Olavinlinna est le château médiéval encore debout le plus septentrional du monde. Aujourd’hui il est l’écrin d’un très important festival d’opéra qui a lieu tous les étés. Et c’est bien le problème. A cause de ce festival, plus de la moitié du château est inaccessible à la visite. Le montage des tribunes et du velum dans la grande cour du château commence en avril et le démontage se termine en septembre. Bref pour bien profiter du château, il faudrait venir en hiver. C’est frustrant.
Mais au moins la visite guidée est en anglais et un très beau petit livre guide est offert.
Savonlinna est au coeur de la région des lacs de Finlande. Il y en a des milliers et les plus gros sont reliés entre eux par des canaux qui permettent de naviguer jusqu’à la mer Baltique. En certains endroits, la route est entre deux lacs. Les lacs sont toujours bordés d’arbres, des bouleaux et des résineux, et souvent il y a une île couverte d’arbres au milieu.
Cette partie de mon voyage en voiture était la plus agréable, surtout sous le beau soleil d’été.

Changement d’ambiance dans le village de Kerimäki, à une vingtaine de kilomètres de Savonlinna, où se trouve la plus grande église en bois du monde.

Une fois à l’intérieur, on se rend bien compte que tout est en bois, y compris le plancher.

L’église a été conçue en 1844 pour recevoir 5000 fidèles, soit la moitié de la population de la région.
Kermäki est l’angle nord-est de mon périple en Finlande, maintenant il est temps de redescendre vers la mer Baltique, en longeant la frontière russe. De l’autre côté, c’est l’Oblast de Saint-Pétersbourg. Ça fait tout drôle de voir les panneaux routiers indiquant la direction de Saint-Pétersbourg ! A 200km près, j’aurais pu y passer. Enfin non, la location de voiture l’interdit, et puis il faut un visa.
Les terres de l’autre côté de la frontière appartenaient à la Finlande, mais la Russie (enfin l’URSS à l’époque) les a annexées à l’issue de la guerre d’hiver, en 1940.
Mais cette région était frontalière bien avant l’indépendance de la Finlande. C’est pour protéger cette frontière que la Suède a fait construire une forteresse à Lappeenranta dans les années 1720.

La forteresse est installée sur une crête qui domine le port. A partir de 1743, la Russie en prend possession et l’étend dans les années 1790. Aujourd’hui il en reste une bonne partie des tracés bastionnés.
Un peu plus loin, autre temps, autres mœurs.

Les Finlandais avait édifié à la fin des années 1930 une ligne de fortification dans la province de Carélie : la ligne Mannerheim, du nom du commandant en chef de l’armée finlandaise. Mais la région a été annexée à la fin de la guerre d’hiver par les soviétiques, annihilant de fait la fortification.
Une nouvelle ligne a donc été construite à partir de 1941 : la ligne Salpa, « verrou » en finnois. Rien de comparable avec la ligne Maginot, mais il en reste quelques ouvrages isolés dans la forêt et visibles de la route. D’où un arrêt imprévu car je ne connaissais pas cette ligne de fortification avant de tomber dessus pendant le trajet de Lappeenranta à Hamina.
En 1721, au traité d Nystad, la Suède a du céder toute la Carélie à la Russie (déjà) et toutes les forteresses qui s’y trouvaient. La frontière se trouve donc dégarnie. Le roi de Suède décide de fonder une nouvelle ville fortifiée : Fredrikshamn, rebatpisée Hamina entre temps. C’est la même histoire que celle qui a abouti à la création de Neuf-Brisach, en Alsace, après le traité de Ryswick en 1697. Et comme à Neuf-Brisach, Hamina a un plan d’un octogone parfait, quoique plus petit.
Il n’est pas facile de rendre compte d’une ville parfaitement octogonale en une photo. Mais je peux montrer son hôtel de ville qui en occupe le centre exact.

Les Suédois n’auront pas le temps de terminer tous les bastions, et ici aussi ce seront les Russes qui s’en chargeront partir de 1743. J’en ai parcouru une partie en fin de journée alors que le soleil était presque rasant.
Au cours de cette longue journée, j’ai traversé une région longtemps disputée entre les deux grandes puissances du nord : la Suède et la Russie. Elles se sont affrontées pendant plusieurs guerres à travers les siècles. Vu de chez nous, cette partie de l’histoire de l’Europe nous est complètement inconnue. C’est aussi pour ça que je voyage dans toute l’Europe.
Ce soir je fais étape à Kotka, au bord de la Baltique.