Lisbonne (et Sintra)

En 2020 j’avais prévu de visiter la Crète, la Norvège et Lisbonne.
En 2024 je ratrappe enfin le temps perdu en allant à Lisbonne pour un week-end de 4 jours.

Sintra

En fait je premier jour je ne suis pas resté à Lisbonne puisque je suis allé à Sintra, à une petite heure de train.
Sintra, avec ses palais et châteaux, est classée par l’Unesco en tant que paysage culturel au patrimoine mondial en 1995.
Mais tout ce patrimoine est en partie éparpillé dans la forêt qui s’étale elle-même sur une petite montagne qui surplombe la ville. Il est impossible de tout voir en une journée et la circulation est compliquée, aussi je ne ne suis pas mécontent de mon programme.
Le plus simple est d’arriver en train et de prendre le bus 434 pour monter au palais de Pena.

Palácio Nacional da Pena

Le palais de Pena
Le palais de Pena


Il a été construit par le prince Ferdinand de Saxe-Cobourg-Gotha, roi consort du royaume, à la fin du 19e siècle sur les ruines d’un ancien monastère du 14e siècle. C’est un joyeux mélange de styles mauresque, baroque, gothique, Renaissance et manuélin1.
En y réfléchissant un peu, l’époque de la reconstruction et la démarche est un peu la même que pour le Burg Hohenzollern, le Haut-Koenigsbourg voire le Château de Pierrefonds.
Depuis les terrasses du château, on a des vues magnifiques sur la plaine, jusqu’à l’océan Atlantique (8 km à vol d’oiseau) et même Lisbonne (22 km jusqu’au pont du 25-avril).
Le monument est très fréquenté, et il est indispensable de réserver un créneau horaire pour visiter l’intérieur.

En quittant le palais de Pena, il faut marcher (en descendant) une vingtaine de minutes pour atteindre le château des Maures.

Castelo dos Mouros

Le château des Maures, depuis la Quinta da Regaleira
Le château des Maures, depuis la Quinta da Regaleira


C’est un vrai château-fort dont les murailles épousent parfaitement le terrain. Les premières fortifications de la montagne datent du 8e siècle, pendant a période musulmane, mais le château actuel date principalement du 12e siècle quand le roi Alphonse 1er reprend définitivement la région (dont Lisbonne).
Les murs et les tours du château offrent des vues imprenables sur la ville de Sintra.

Depuis la porte du château, un chemin escarpé, toujours en descente, mène en 30 minutes au centre de Sintra et au Palais national de Sintra.

Palácio de Sintra

C’était le palais des rois portugais dès l’époque de la Reconquête chrétienne, achevée en 1249. Il a été fréquenté et aménagé par presque tous les rois du Portugal par la suite2.
On doit notamment au roi Manuel 1er la salle des blasons.

La salle des blasons (1515-1518)
La salle des blasons (1515-1518)


Le blason du roi est au centre, et ceux des grandes familles sont disposés autour. Plus son blason est proche du sommet (ou du centre) et plus la famille est importante. Le plafond de la salle des blasons constitue encore aujourd’hui une référence recherchée par les Portugais et les luso-descendants du monde entier.
Les azulejos datent du 18e siècle. J’en verrai bien d’autres.

Quinta da Regaleira

Dernière étape de la journée, la Quinta da Regaleira, à 15 minutes à pied du centre de Sintra.
C’est une demeure et un jardin (« quinta » signifie « domaine) créés entre 1904 et 1910 par António Augusto Carvalho Monteiro, né au Brésil où il a fait fortune dans le commerce du café et des pierres précieuses.
L’intérieur du palais n’offre pas d’intérêt extraordinaire, mais le jardin est constellé de fabriques, fontaines et tunnels, avec des références à l’alchimie, à la franc-maçonnerie ou aux Templiers.
La curiosité la plus connue du domaine est le Poço Iniciático, ou puits initiatique.

Le puits initiatique
Le puits initiatique


L’impétrant (ou le touriste) descend l’escalier de 27 mètres3, puis doit trouver son chemin à travers des tunnels (aujourd’hui bien éclairés) afin de renaître (prosaïquement : sortir) à la lumière.

Il y a bien longtemps, j’étais tombé sur une photo non légendée du puits initiatique. J’ai mis des années à localiser l’endroit et je suis très heureux d’avoir enfin pu le voir en vrai, après quelques années supplémentaires.

Belém

A part plusieurs villes au Brésil, une au Cap-Vert et un bateau, Belém est aussi le nom d’un quartier de Lisbonne où j’ai passé l’essentiel de mon deuxième jour.
Le monument le plus reconnu est bien sûr la tour de Belém.

Torre de Belém
Torre de Belém


La tour de Belém a été construite entre 1514 et 1519, pendant le règne de Manuel 1er, pour garder l’entrée du port de Lisbonne.
Aujourd’hui elle est un des emblèmes de la ville, et c’est sans doute pour cela que la queue est longue pour pénétrer dans l’édifice. J’ai attendu environ 45 minutes en plein soleil, et la queue était encore plus longue quand j’en suis sorti. Honnêtement, il n’y a pas grand chose à voir à l’intérieur.

L’étape suivante, indispensable pour moi, était le musée de la marine.

Museu de Marinha
Museu de Marinha


Sans une marine puissante et des navigateurs compétents, comment un petit pays comme le Portugal a pu le premier se lancer dans l’exploration du monde dès le 15e siècle ? C’est ce que raconte ce joli musée, avec, comme il se doit, une belle collection de maquettes, tableaux et autres objets de marine.

Les salles d’exposition occupent une aile du monastère des Hiéronymites, ordre de Saint-Jérôme très présent au Portugal et en Espagne. Sa construction a commencé en 1502, officiellement pour le retour de Vasco de Gama de son premier voyage en Inde (1499)4. Toutefois, des documents attestent que le projet est antérieur.

Les visiteurs, encore plus nombreux qu’à la tour (encore 1h de queue sous le soleil), ont principalement accès au réfectoire et au cloître, bel exemple de style manuélien.

Le cloître du Monastère des Hiéronymites
Le cloître du Monastère des Hiéronymites

Une autre partie du monastère abrite le musée d’archéologie, mais il est fermé pour travaux en ce moment.

Le monastère des Hiéronymites et la tour de Belém ont été inscrits conjointement sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 1983. Le traité de Lisbonne (traité constitutionnel de l’Union Européenne) a été signé ici en 2007.

Lisbonne

Miradouro

Lisbonne, dit-on, a sept collines, comme Rome. Ce nombre est discutable mais le fait est qu’il y a un peu de relief. Rien d’insurmontable, mais il faut en tenir compte quand on visite la ville.
Pour aider les personnes fatiguées ou chargées, les services publics proposent plusieurs funiculaires et un ascenseur.

L'ascenseur de Santa Justa
L'ascenseur de Santa Justa

D’une hauteur de 45 m et construit en fer entre 1900 et 1902, l’ascenseur de Sant Justa a un point commun avec le pont Luís I. à Porto : il n’a pas été conçu par Gustave Eiffel.

L’ascenseur et les funiculaires sont assaillis par les touristes munis de Lisboa Cards (sinon le prix est dissuasif) et les files d’attente sont fort longues. La fatigue évitée ne compense pas le temps d’attente, mais de toute façon mon itinéraire m’a permis de m’en passer.

Avec le relief viennent les miradouros, ou points de vues, par exemple celui de São Pedro de Alcântara.

Lisbonne
Lisbonne

Il faut bien choisir l’heure de visiter un miradouro, en fonction du soleil, mais il y a toujours une buvette et des bancs pour se reposer.

Les transports

Le troisième jour enfin je vais visiter le centre de Lisbonne, en partie grâce au tram 28.

Tram 28
Tram 28

La société des transports de Lisbonne exploite cette sympathique petite machine jaune (8,40m de long, 20 places assises) sur 6 lignes dans le centre ville5, mais les plus prisées des touristes sont la 28 et la 12 (circulaire) qui desservent les principaux quartiers touristiques : Alfama, Chiado, Bairro Alto. La machine date des années 30, mais elle a été reconditionnée en 1996. Son bogie unique et sa puissance motrice lui donne une grande agilité dans les rues sinueuses et pentues de certains quartiers, de vraies montagnes russes.
Ces petits trams sont pris d’assaut par les touristes, et s’assoir le coude à la fenêtre est un vrai luxe, que je n’ai goûté qu’une fois, mais quel plaisir !
Je soupçonne certains touristes de parcourir une ligne de bout en bout. Après tout, c’est une activité qui ne coûte pas cher.

A part les trams, Lisbonne est dotée de 4 lignes de métro et de nombreuses lignes de bus. La fatigue aidant, j’y ai eu largement recours, grâce à la Lisboa Card qui donne accès à tout le réseau gratuitement et à certains sites touristiques. Je l’ai largement rentabilisée.

Castel de São Jorge

Les châteaux forts médiévaux bien conservés sont rares dans les grandes villes et il y en a un à Lisbonne : le château Saint-Georges.

Castelo de São Jorge
Castelo de São Jorge


Le château occupe une éminence qui domine la ville. Le site était déjà occupé à l’âge du fer, à l’époque romaine et bien sûr sous les Maures. Sa forme actuelle date du 11e siécle, après la Reconquista chétienne.
Le château a servi de palais royal (c’est ici que Vasco de Gama a été reçu à son retour des Indes) jusqu’au 16e siècle. Pendant l’occupation française, le général Junot y établira son quartier-général.
Souvent endommagé par les tremblements terre, les travaux de restauration des années 1990 lui ont redonné fière allure.
Ses murs offrent de très beaux points de vue sur Lisbonne.

Praça de Comérico

La place du commerce est la place centrale du Lisbonne moderne.

Praça de Comérico
Praça de Comérico

Elle est typique des places royales du 18e siècle, avec son agencement uniforme et sa statue équestre du monarque du moment : Joseph 1er (Dom José I). Mais à Lisbonne, il y a un truc en plus : elle n’a que 3 côtés bâtis puisque le quatrième donne sur le Tage, avec même une petite plage.
Le quartier de Baixa de Lisboa (le centre-ville de Lisbonne, mais aussi la ville basse) est situé au nord de la place. Son agencement orthogonal montre bien sa construction récente, et plus précisément sa reconstruction après le tremblement de terre du 1er novembre 1755. On voit bien la différence avec la maquette exposée au musée de la ville.

Lisbonne avant le tremblement de terre de 1755
Lisbonne avant le tremblement de terre de 1755

Ce séisme, suivi d’un tsunami, n’était pas le premier à frapper Lisbonne, mais le plus destructeur. Quasiment toute la ville a été détruite et 50 à 70 000 de ses 275 000 habitants ont été tués. Les sismologues d’aujourd’hui estime sa magnitude entre 8,5 et 9.
Les notices historiques d’une grande majorité des bâtiments de la ville mentionnent les dégâts subis, comme en témoignent les voûtes disparues du couvent des Carmes.

Le musée archéologique des Carmes

Le tremblement de terre de 1755 a donc été un événement majeur dans l’histoire du Portugal et a eu des conséquences politiques sur le pays, mais pas seulement.
En raison de son imprévisibilité et des dégâts occasionnés, en particulier sur les édifices religieux6, qui plus est un jour de fête religieuse dans un pays profondément catholique, le séisme a eu un impact profond sur les philosophes du siècle des Lumières. C’est d’ailleurs un épisode important dans le « Candide ou l’optimisme » de Voltaire : Candide et Pangloss arrivent à Lisbonne le jour du tremblement de terre et Pangloss est pendu pendant un autodafé qui s’en suit (souvenirs de Lycée 😉).

Sebastião José de Carvalho e Melo, marquis de Pombal, chef du gouvernement de l’époque, a été chargé d’organiser les secours et la reconstruction de Lisbonne et une grande partie de la ville actuelle lui doit son aspect actuel. Son pragmatisme et son efficacité sont salués ajourd’hui encore. Le quartier de Baixa Lisboa est d’ailleurs aussi nommé Baixa Pombalina.
Parallèlement à cette action, il a initié un grand questionnaire dans tout le pays sur le séisme et ses effets. Les réponses, qui sont toujours conservés aux archives nationales du Portugal, ont servi de base à la première étude scientifique d’une telle catastrophe. Ce qui fait du marquis de Pombal un précurseur de la sismologie moderne.
Et même de l’achitecture anti-sismique puisque les constructions de Baixa Pombalina ont été testées en faisant marcher autour des troupes au pas pour simuler des vibrations sismiques.

Panteão Nacional

Le dernier jour, je suis allé dans le quartier du Panthéon national.

Panteão Nacional

Comme à Paris, l’édifice est une ancienne église (Sainte-Engrâce, 1682) convertie en panthéon par la république en 1916.
A la différence de Paris, seules douze personnalités y sont inhumées dont 5 hommes politiques (dont 4 présidents de la République), 5 poètes ou écrivains (dont 1 femme) et, c’est le Portugal, 1 chanteuse de fado et 1 footballeur7.
Mais la place d’honneur sous le dôme est donnée aux cénotaphes de six gloires portugaises des 15e et 16e siècles, monarques et explorateurs, dont l’inévitable Vasco de Gama.

Bilan

Je suis très satisfait de mon premier séjour à Lisbonne. J’ai vu beaucoup de choses (toutes ne sont pas évoquées dans cet article), et il en reste bien d’autres à voir.
La météo a été parfaite : 4 jours de soleil sans nuage, mais je me serais satisfait d’un peu moins que les 30°C dépassés tous les jours.
Si je reviens et qu’il pleut, je pourrai faire le tour des musées.

Quelques chiffres :

  • 4 jours dans le pays
  • 2 sites du patrimoine l’Unesco visités
  • 18 trajets en train, métro, bus ou tram, dont 3 sur la ligne 28
  • 95 192 pas, dont 28 598 le jour de Sintra
  • des tas d’azulejos, et encore je ne suis pas allé au musée qui leur est consacré
  • 638 photos dont 81 dans l’album
  • 3 pasteis de nata, dont 1 à Belém dans l’établissement qui a inventé ce délice en 1837
  • 1 plat de poulpe, 1 sandwich au cochon de lait et 0 morue

1. Du règne de Manuel 1er de Portugal (1495-1521).go back
2. Et même par Salazar (dictateur de 1932 à 1968), qui a fait aménager une salle dans un style neo-manuélien pour capter l’héritage du roi fondateur.go back
3. Pris par l’ambiance, j’ai oublié de compter les marches.go back
4. L’église du monastère abrite un cénotaphe de Vasco de Gama, mais les restes du navigateur sont ailleurs.go back
5. Une 7eme ligne (la 15) est dotée de matériels modernes (24m de long articulé en 3 éléments) et va jusque Belém et au delà en longeant le Tage.go back
6. Le monastère des Hiéronymites y a échappé mais la plupart des églises et couvents du centre ville on été gravement endommagés ou détruits.go back
7. Eusébio da Silva Ferreira (1942-2014). Depuis 2016, la loi stipule qu’une personnalité ne peut entrer au Panthéon que 20 ans après sa mort. Cristiano Ronaldo devra attendre un peu.go back

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