La Corogne

La Corogne, A Coruña en espagnol, n’est pas très loin de Ferrol. Depuis l’embouchure de la ria de Ferrol je pouvais deviner la ville et distinguer son phare. Mais par la route il faut contourner trois rias, et ça prend quasiment une heure de route.

La ville

Avec près de 250 000 habitants, La Corogne est aujourd’hui la deuxième ville de Galice, après Vigo où je passerai plus tard. Elle était autrefois la capitale de la Galice, mais elle a perdu ce titre au profit de Saint-Jacques-de-Compostelle en 1981.
Son centre historique est situé sur une péninsule bordée d’un côté d’une longue plage de sable et du port de l’autre côté. Une longue et agréable promenade, le paseo maritimo, fait tout le tour de la péninsule.

La Corogne

La ville a connu une importante prospérité économique au 19ème siècle. C’est de cette époque que date ce courant architectural qui couvre les façades de galeries vitrées caractéristiques de la région (j’en avais vu à Lugo aussi).

La tour d’Hercule

Mais l’attraction historique la plus spectaculaire de La Corogne est la Tour d’Hercule.

La Tour d'Hercule

Ce n’est le lieu d’aucun exploit du demi-dieu grec, mais rien de moins que le seul phare romain encore en activité.
Bon, l’office de tourisme exagère un peu. Certes le phare a bien été construit par les Romains à la fin du 1er siècle ap JC. A cette époque, les Romains avaient ainsi marqué symboliquement leur emprise sur la région riche en or (on en a déjà parlé) mais aussi en étain, métal indispensable à la fabrication du bronze.
Le phare a guidé les navigateurs pendant plusieurs siècles, mais il a été abandonné au 5ème siècle. Il a servi pendant un temps de tour de guet. Le phare a été complètement restauré en 1791, et fonctionne à nouveau comme phare depuis cette date.
Il n’empêche que le monument est exceptionnel et a bien mérité son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2009.

Le phare romain mesurait environ 42 mètres de haut, ce qui correspond à la partie carrée. Une rampe extérieure en spirale 1 en faisait le tour et permettait d’alimenter aisément la lanterne en combustible.
La restauration moderne a porté la hauteur à 55 mètres, mais a fait disparaître la rampe. Toutefois on en devine le tracé sur les parois de la tour.
La visite commence par les fondations de la tour qui ont été mises au jour lors de fouilles archéologiques dans les années 1990. Puis on emprunte un escalier de 216 marches pour arriver à la plateforme. On passe par des grandes salles qui sont d’origine. Les Romains étaient malins : la tour était creuse avec juste ce qu’il faut de structure interne pour en garantir la solidité toute en réduisant le coût de construction.
D’en haut, bien sûr la vue est splendide, même si le temps était très couvert au moment où j’y étais.

Les nations celtiques

La tour est plantée au bord de la mer au milieu d’un promontoire couvert de genêts et de bruyères et battu par les vents.
Une grande rose des vents est tracée au bord la mer.

La rose des vents de La Corogne

Chaque direction est dédiée à une nation celtique et son symbole :

  • l’Irlande et son trèfle
  • l’Ecosse et son chardon
  • l’Île de Man et son triquètre 2
  • le Pays de Galles et son dragon
  • la Cornouailles et un symbole que je n’ai pas bien identifié
  • la Bretagne et son hermine
  • et enfin la Galice et sa coquille Saint-Jacques.

Le dernier huitième de la rose des vents porte le nom « Sisrat » et un symbole composé d’un crane et d’un tibia. Ça fait penser à des pirates mais j’avoue ne pas avoir trouvé à quoi cela se rapporte. Le premier résultat de la recherche du mot sur Google est la page Wikipedia en espagnol Naciones celtas mais le mot « Sisrat » en est absent. Etrange. Si quelqu’un a une explication, ça m’intéresse…

Les Galiciens semblent donc vouloir se rattacher aux six autres nations celtiques.
Historiquement, la civilisation celte s’est épanouie entre la fin de l’âge du bronze et l’âge de fer, soit à peu près de -1000 à -500. Géographiquement, son noyau est situé entre l’Autriche (site de Hallstatt) et la Suisse (site de La Tène), mais les Celtes se sont répandus dans une grande partie de l’Europe entre Atlantique et Anatolie.
Les peuples celtes installés le plus à l’ouest du continent sont ceux qui ont été romanisés et/ou germanisés le plus tard, et qui ont le plus conservé leurs langues d’origine celtique.
Or la notion moderne de nation celtique s’appuie sur la langue. Les linguistes distinguent six langues celtiques principales, en deux familles :

  • les langues gaéliques : irlandais, écossais et manxois (de l’Île de Man)
  • les langues brittoniques: breton, gallois et cornique (de Cornouailles)

Officiellement, le manxois et le cornique sont éteints, mais sont néanmoins enseignés et conservent une importante littérature.

Et le galicien dans tout ça ?
La langue galicienne n’est pas du tout une langue celtique. Elle est au contraire très proche du castillan. Dans la plupart des musées les textes sont en galicien et en castillan, et honnêtement les différences sont très faibles. La plus visible que j’ai remarquée est la lettre « X » qui remplace le « J ». Je trouve que le castillan ressemble plus au galicien qu’au catalan, par exemple.

Donc la Galice n’est pas celtique au sens linguistique. Mais on trouve sans peine des points communs avec, par exemple, la Bretagne : la pierre, la végétation, le climat. L’instrument de musique traditionnel de la Galice est la gaita qui est une cornemuse.
La Galice était d’ailleurs l’invitée d’honneur du Festival Interceltique de Lorient cette année.
Je pense que cette volonté galicienne de se rapprocher des nations celtiques est aussi un moyen de se démarquer du reste de l’Espagne 3.
Après quelques jours passés en Galice, il n’y a aucun doute : je suis bien en Espagne (langue, nourriture, mode de vie), mais le paysage ressemble plus à l’Irlande qu’à l’Andalousie.

Le poulpe

Restons en Galice avec le plat du soir.

Pulpo con gulas

Quand je suis en voyage et que je cherche un restaurant, j’essaie de choisir un restaurant qui a à sa carte un plat que les autres n’ont pas.
C’était le cas du restaurant O Tanagra où le nom « Pulpo con gulas » a attiré mon attention.
En passant, je constate que le traducteur de Google est très mauvais avec les plats ou les ingrédients. En cherchant un peu je devine que « gulas » signifie « civelles », les alevins d’anguilles dont j’ai souvent entendu parlé mais jamais goûté. Banco, j’ai trouvé mon restaurant.
Ce n’est que plusieurs jours après que j’ai essayé d’en savoir plus et que j’ai compris que la bonne traduction pour « civelles » est « angulas ». Gulas est en fait le nom commercial d’un succédané de civelles, sorte de surimi à base de colin. Je suis un peu déçu, mais en même temps, la vraie civelle est très rare et très chère, ce qui n’était pas le cas de mon plat.
Et il était bon quand même, tout est dans la sauce.

Comme d’habitude : plus de photos ici ou .

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1. Comme au minaret/clocher de la cathédrale de de Séville.go back
2. Motif héraldique représentant trois jambes reliées par les cuisses. Curieusement c’est aussi le symbole de la Sicile.go back
3. j’ai cru percevoir une phénomène similaire en Estonie, qui souhaite être perçu non pas comme un pays balte, mais comme un pays nordique, dont fait partie la Finlande. Quoique dans ce cas le rapprochement est d’abord linguistique car les langues finlandaises et estoniennes sont très proches. cf Tartugo back

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