Le port de Ferrol est niché au fond d’une profonde ria.
Une ria est un estuaire, en général la vallée ennoyée d’un fleuve côtier, et typique des côtes de Galice. L’équivalent en Bretagne est appelé « aber ».
Il ne faut pas confondre une ria avec un fjord, qui est le résultat du creusement de la côte par un glacier, qui est profond et dont les rives sont hautes et verticales.
Les ria font en général des bons ports car elles sont à l’abri des tempêtes. Et comme l’entrée de la ria de Ferrol est particulièrement étroite, son accès est très facile à défendre contre une attaque ennemie.
C’est pourquoi Ferrol est un port de guerre depuis le Moyen-Âge. Mais l’essor du port date du 18ème siècle sous l’impulsion de la dynastie des Bourbons d’Espagne, et en particulier du premier d’entre eux : Philippe V 1. Ce dernier a réorganisé la marine de guerre espagnole autour de trois bases principales : sur la Méditerranée, Carthagène et sur l’Atlantique, Cadix au sud et Ferrol au nord.
Le plan du centre-ville date de cette époque, avec un quadrillage de rues à angles droits typique des villes nouvelles en général et des villes militaires en particulier, comme Rochefort en France ou Karlskrona en Suède.
Aujourd’hui, la base de Ferrol n’est pas la plus importante pour la marine de guerre espagnole par le nombre ou la taille des bateaux qui y sont basés (les plus gros sont à Cadix), mais c’est son principal chantier naval. Ses principaux bâtiments, dont les porte-aéronefs, ont été construits à Ferrol.
Comme à Karlskrona ou à Toulon, l’arsenal est en pleine ville mais derrière de longs murs, et on n’en voit pas grand-chose. Heureusement, un parc, indiqué dans Le Routard, offre un point de vue sur les grues et les bateaux.
C’est un peu juste pour justifier une étape mais, comme Karlskrona ou Toulon, Ferrol possède un beau musée naval.
Il complète celui de Madrid (visité en 2011), comme le musée de Toulon complète celui de Paris.
La marine de guerre espagnole, ses traditions et ses opération sont bien sur mises en valeur, y compris en Amérique Latine ou aux Philippines, aspects moins connus.
Dans la première salle, un grand panneau narre l’expédition de l’Invincible Armada. Sa conclusion est que la dite expédition n’a pas été vaincue par la marine anglaise, mais par les tempêtes. Qui en doutait ?
Comme toute base navale qui se respecte, Ferrol est aussi une forteresse terrestre. En effet une flotte au port est vulnérable par la terre et il faut empêcher une armée ennemie d’approcher impunément. Comme on l’a vu, le site de Ferrol est particulièrement favorable du fait de l’étroitesse de la ria, mais aussi du relief alentour. Les Anglais ont tenté un débarquement en force en 1800 et s’y sont cassés les dents.
De nombreux vestiges des fortifications de Ferrol sont encore visibles. Il y en a de plusieurs époques, y compris des batteries de défense côtière du 20ème siècle, mais le plus spectaculaire est le Castelo de San Felipe.
Il a été construit en même temps que l’arsenal voulu par Philippe V, d’où son nom. C’est l’époque de l’apogée de la fortification bastionnée, ce qu’en France on appelle « à la Vauban ».
Son emplacement au point le plus étroit de la ria garantit que les éventuels navires ennemis ne puissent échapper aux boulets de ses dizaines de canons. Pour plus de sécurité, ses feux se croisaient avec ceux du Castelo da Palma, plus récent, situé sur l’autre rive juste en face.
J’ai déjà visité un grand nombre de sites fortifiés de ce type, mais peu sont aussi complets que celui-ci. On peut aller quasiment partout, et en plus l’accès est gratuit. Ça valait vraiment le coup de faire étape à Ferrol
500 mètres séparent les deux forts à vol d’oiseau, ou en bateau, mais par la route j’ai dû mettre plus de 30 minutes pour passer de l’un à l’autre.
D’autres vestiges militaires sont visibles jusqu’à la mer, mais sont moins impressionnants.
Le soir à Ferrol, j’ai dû apprendre à composer avec le mode de vie espagnol d’une petite ville très peu touristique. Après tout, qui vient dans une ville arsenal où il n’y a qu’un musée naval et des fortifications ?
Beaucoup de terrasses, où les locaux grignotent en buvant (à moins qu’ils boivent en grignotant), mais peu de vrais restaurants. Par contre, à la différence de la Finlande, il est très facile de trouver à manger après 21h. J’ai quand même fini par trouver un établissement où j’ai pu commander le plat galicien par excellence : le polbo á feira .

Le poulpe est abondant sur les côte de Galice et on en trouve partout. Le polbo á feira est un plat dégusté traditionnellement pendant les foires ou ferias. On dit pulpo a la gallega dans le reste de l’Espagne et poulpe à la galicienne.
Les tronçons de tentacules sont simplement saupoudrés de piment et disposés sur des patates (cachelos), et c’est très bon. Malgré le bain d’huile d’olive.
Comme d’habitude : plus de photos ici ou là.
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1. Philippe V est le petit fils de Louis XIV.