Veliko Tarnovo (Велико Търново), ou la Grande Tarnovo, était la capitale du Second Empire Bulgare. A cette époque le nom de la ville était Tarnovgrad.
Pour ceux qui dormaient pendant leur cour d’histoire de la Bulgarie à l’école, je rappelle que le Premier Empire Bulgare a duré de 681 à 1018, quand le pays passe sous l’autorité de Byzance, pendant le règne de Basile II, le Bulgaroctone (tueur de Bulgares, tout un programme).
Suite à une révolte menée par les frères Asen, les Bulgares s’affranchissent de Byzance et le Second Empire Bulgare est créé en 1186. Un monument a été élevé en 1985 à la gloire des frères Asen.
Ce n’est pas le premier monument patriotique installé pendant la dernière décennie du régime communiste que je vois. Je ne sais pas s’il y en avait eu avant, la question mérite approfondissement.
La conquête turque mettra fin au Second Empire Bulgare en 1396. La Bulgarie ne sera restaurée en tant qu’état indépendant qu’en 1878.
Le prestigieux passé de Veliko Tarnovo est bien visible à travers son impressionnante forteresse qui domine la ville. Il y en a même deux, sur deux méandres de la rivière Yantra : Tsarevets (Тцаревец) et Trapezitsa (Трапеэица). Trarevets est la principale et c’est par elle que j’ai commencé ma journée.
Tsarevets a la forme d’un triangle dont deux côtés sont visibles depuis la ville. On accède à la forteresse par un des angles, relié à la ville par un long éperon rocheux.
Plus qu’une forteresse il faudrait plutôt parler de ville. Les archéologues y ont trouvé les traces de 400 bâtiments résidentiels, 22 églises et 4 monastères. Ça paraît fou qu’il y ait eu autant d’édifices, même de petites tailles, dans un espace si réduit. J’ai déjà remarqué, par exemple à Olympie ou à Mystras, que ce qui était grand pendant l’antiquité ou le moyen-âge ne le paraît pas autant aujourd’hui.
Au sommet de la colline trône le palais du patriarche, un palais au milieu du château, dont l’église cathédrale a été reconstruite en 1981. Elle est ornée de fresques modernes.
En face de Tsarevets, Trapezitsa est moins étendue, avec seulement 18 églises, et n’a quasiment plus de murailles. On y accède par un funiculaire. Je ne savais pas qu’il fermait à 16h30, et j’ai eu la chance d’emprunter le dernier aller-retour. Le principal intérêt de Trapezitsa (sauf pour les spécialistes des églises de forteresse) est qu’elle offre le meilleur point de vue sur Tsarevets en fin d’après-midi, c’est pour ça que je n’y suis pas allé tout de suite en sortant de Tsarevets.
Entre temps j’étais allé à Arbanassi (Арбанаси), un petit village tranquille sur les hauteurs à quelques kilomètres de Veliko Tarnovo. Arbanassi est, paraît-il, une destination prisée des Bulgares pour passer un week-end ou organiser un mariage. C’est vrai que le nombre d’hôtels ou d’auberges est hors de proportion par rapport à la taille du village. Mais c’est mercredi aujourd’hui et il n’y avait pas grand monde.
La principale curiosité d’Arbanassi est l’église de la Nativité du Christ. De l’extérieur, elle ne paie pas de mine : un bâtiment bas et longiligne (28m sur 10) sans clocher. C’est qu’elle a été construite au XVIème, pendant la domination ottomane. A cette époque le culte chrétien n’était pas interdit, mais il devait rester discret.
L’intérêt est à l’intérieur. Toutes les salles de l’église sont entièrement couvertes de fresques. Il n’y a pas une centimètre carré sans couleur.
Comme il n’y a pas de fenêtres et que la voûte est basse, on a l’impression d’être dans une grotte ornée. Des milliers de personnages, saints et martyrs sont représentés avec finesse, réalisme et des couleurs éclatantes. Leurs noms sont inscrits, mais en écriture cyrillique ancienne, donc impossible à déchiffrer (j’ai déjà du mal avec le cyrillique moderne). Mais d’un bout à l’autre de l’Europe on reconnaît les mêmes figures : Saint-Georges est toujours sur son cheval à terrasser le dragon.
C’était magnifique.
A part Tsarevets et Trapezitsa, ce que j’ai vu de la ville de Veliko Tarnovo n’est pas très agréable. Du fait du relief, il n’y a qu’une rue et la circulation est intense.
Je suis rentré à l’hôtel vers 17h, juste avant un énorme orage et des trombes d’eau qui ont duré deux bonnes heures. J’ai eu de la chance puisqu’il a fait plutôt beau toute la journée, même s’il y avait beaucoup de nuages, et j’ai pu faire le touriste sans être gêné par la pluie.
J’avais espéré durer un peu plus longtemps, mais ce soir j’ai craqué pour une pizza Прошуто крудо (prosciutto crudo). C’est bien de connaître les langues étrangères : on n’a pas besoin des photos sur le menu pour choisir.
L’autre curiosité de Veliko Tarnovo est son spectacle son et lumières. Pour les lumières, c’est Tsarevets qui sert de décor avec projecteurs de différentes couleurs et rayons laser. Quant au son, il faut acheter son ticket et prendre place dans un des fauteuils de la terrasse couverte. Les hauts-parleurs sont en cet endroit. Autrement dit on peu jouir du spectacle sans la musique gratuitement depuis la rue, mais on entend un peu le son quand même.
Le spectacle n’est pas joué tous les soirs. Quand j’avais préparé mon voyage, seule une représentation était prévue ce soir. Mais une fois arrivé sur place, je me suis rendu compte qu’il est donné quasiment tous les soirs de cette semaine. Hier je l’ai vu avec le son et ce soir je me suis offert une deuxième séance sans le son.
C’est un beau spectacle. Peut-être pas au point de venir exprès mais si on est déjà sur place, ce serait dommage de ne pas en profiter.
Demain, le soleil devrait être pleinement de retour pour une journée au grand air, mais avec une touche historique.