Uppsala est une petite ville à 30 minutes de train au nord de Stockholm. Elle est à la fois le centre de l’Eglise de Suède et la principale université du pays.
Commençons par l’aspect religieux. Logiquement Uppsala possède la plus grande cathédrale du pays.
L’édifice actuel a été construit entre 1272 et 1435 dans un style gothique français, ce qui n’est pas une surprise puisqu’on a fait venir des architectes et ouvriers qui avaient travaillé sur le chantier de Notre-Dame de Paris.
L’intérieur est très élancé et a gardé ses peintures intérieures. Rappelons qu’au Moyen-Âge, les cathédrales étaient peintes, mais la plupart du temps les peintures ont été effacées ou recouvertes ultérieurement.
Plusieurs rois de Suède sont enterrés dans la cathédrale (dont Gustave 1er Vasa) et une grande partie des rois y ont été couronnés (sachant que tous les rois n’ont pas été couronnés).
Juste en face de la cathédrale se trouve le Gustavinium. C’est le plus ancien bâtiment de l’université encore debout. Il porte le nom du roi Gustave II Adolphe qui a financé sa construction en dotant l’université de domaines agricoles, qui lui appartiennent toujours.
L’université a été fondée en 1477, longtemps après Bologne, Oxford ou La Sorbonne, mais elle n’en est pas moins prestigieuse. Certains de ses professeurs font partie de l’histoire de sciences : Ångström, Celsius (son thermomètre est exposé) ou Linné, sur lequel je reviendrai plus tard.
Le Gustavinium a bien des choses à montrer. Il s’y trouve une formidable collection d’instruments scientifiques (j’adore) et un théâtre anatomique, créé en 1662 en s’inspirant de celui de Padoue (ça tombe bien, je n’avais pas pu le voir le mois dernier).
Mais la pièce maîtresse est le cabinet de curiosités d’Augsbourg, offert par la ville bavaroise au roi Gustave II Adolphe en 1632, pendant la guerre de trente ans. C’est un meuble somptueux dont les portes et les tiroirs recèlent un millier de petits trésors : des objets rares ou exotiques, des minéraux précieux, des créations artistiques. En un mot un fantastique condensé de tous les savoirs de l’époque. Comme la Voûte Verte de Desde, mais dans un seul meuble, et pas un meuble IKEA.
Le cabinet est sous cloche, mais une partie de ses objets sont visibles dans les vitrines voisines, et une visite virtuelle est possible sur un ordinateur voisin (ou sur internet mais elle ne marche pas sur toutes les plateformes hélas).
L’histoire de la ville n’a pas commencé avec la cathédrale ou l’université. Uppsala était déjà un site important du temps des Vikings, avant l’évangélisation de la Suède, long processus qui s’est étalé du IXème au XIIème siècle. La ville de l’époque était située à quelques kilomètres de la ville actuelle, au terminus de la ligne de bus n°2, sur le site qu’on appelle aujourd’hui Gamla Uppsala (on a appris à Stockholm que Gamla signifie « ancien »). Le site a attiré l’attention dès le XVIème siècle à cause des nombreux tumulus qui s’y trouvent.
Des centaines de sépultures, sous tumulus ou non, ont été fouillées dans la zone et beaucoup d’objets y ont été découverts.
Le site est devenu l’épicentre d’un nationalisme suédois. Olof Rudbeck, créateur du théâtre anatomique, y a même cherché des traces de l’Atlantide, ce qui aurait été la preuve que la civilisation suédoise était la plus ancienne du monde, et le suédois la mère de toutes les langues.
À la fin de sa vie, le roi Karl XIV Johan (né à Pau sous le nom de Bernadotte) y est venu pour affirmer sa sudéité.
Les élans nationalistes se sont appaisés après la seconde guerre mondiale et Gamla Uppsala n’est plus qu’un site archéologique majeur pour la connaissance de la civilisation Viking. Avant d’aller se confronter au chapelet de tumulus, il est préférable de visiter le petit musée pour avoir une bonne compréhension du site. Sans cela on ne verrait que d’obscurs monticules.
On devrait les voir mieux du ciel, ou par le truchement d’un drone. Après le cheval d’Uffington l’année dernière, c’est la deuxième fois que je me fais cette réflexion.
Par ailleurs, la petite église de Gamla Uppsala possède un très joli clocher en bois.
Après cette petite escapade dans le temps, je suis retourné au centre d’Uppsala pour en découvrir le principal monument, c’est-à-dire Carl Linnæus, ou Carl von Linné, (1707-1778), dont j’ai visité la maison et le jardin. Et dont j’ai bien connu la rue à Paris, à côté de celle de son confrère Jussieu, dans le quartier du Jardin des Plantes.
Car Linné était botaniste. Il est célèbre pour avoir mis au point une classification des végétaux, basé sur des caractéristiques observables : les organes sexuels. Cette classification n’est plus utilisée depuis (les botanistes d’aujourd’hui s’appuient sur l’ADN) mais le principe de construire le nom à partir de deux mots latin, dont le premier exprime le genre, est resté, ainsi que les milliers de noms qu’il avait attribués à autant d’espèces végétales. D’ailleurs j’ai appris en passant que le nom « Homo Sapiens » a été introduit par Linné en 1758.
La maison est restée dans son jus avec les livres, les meubles, la vaisselle et les vêtements de M et Mme Linné. L’audio-guide, très complet, nous plonge dans le travail de Linné et la vie quotidienne de la fin du XVIIIème siècle.
Attenant à la maison, le jardin reproduit ce qu’il a pu être à l’époque du maître.
C’était une très belle visite, même pour les non-botanistes.
C’était aussi la dernière visite prévue au programme. Il était alors à la fois trop tôt pour rentrer à Stockholm et trop tard pour visiter autre chose. Je suis donc resté flâner dans les rues piétonnes d’Uppsala avant de m’assoir à une terrasse pour un long apéritif suivi d’une pizza. Une barquette de fraises achetée sur place fera un très bon dessert à consommer dans le train de retour.
Il a fait beau toute la journée, et même plus chaud que les jours précédents.
Demain je quitterai Stockholm pour Linköping. Mais avant d’y arriver, j’irai rendre visite au Roi Charles XVI Gustave et à la Reine Silvia.